Tous les danseurs atteints d’un handicap le diront : danser leur permet de dépasser leurs limites et surtout de mettre en valeur leurs talents au-delà de leur différence. Pourtant, les initiatives artistiques inclusives et accessibles aux personnes en situation de handicap restent relativement rares et surtout, elles sont peu connues du grand public. Cela ne contribue pas à lever les préjugés dont les artistes handicapés et les danseurs handicapés en particulier restent victimes. Retour sur cinq préjugés courants sur la danse et le handicap, à combattre.
1 – Une personne en fauteuil roulant ne peut pas danser
Qui dit danse, dit mouvement. La danse est liée à la capacité du corps à se mouvoir dans l’espace, à faire naître une émotion par le mouvement. Or, la mobilité des personnes en fauteuil roulant est toujours réduite. Beaucoup font alors le raccourci et supposent qu’une mobilité réduite empêche de danser, mais rien n’est moins vrai.
En effet, dans la danse contemporaine notamment, la volonté première est de questionner les limites du spectacle, d’interpeller le spectateur. Pour cela, chorégraphes et danseurs abordent les questions du mouvement et du corps en représentation. Libérée des courants esthétiques et des codes, la danse contemporaine détourne les concepts, métisse les arts et permet donc de mettre à l’honneur la différence du handicap.
Danser en fauteuil, en utilisant le mouvement mécanique de celui-ci, et composer avec des contraintes du corps ouvrent des champs nouveaux et permettent de transmettre des émotions différentes au spectateur. Il est donc tout à fait possible d’être danseur, malgré des problèmes de mobilité, comme en témoigne les créations de la compagnie de danse Regards en Lignes de La Possible Échappée.
2 – Il n’est pas possible d’être un professionnel de la danse lorsque l’on est atteint d’un handicap
Il y a beaucoup de danseurs professionnels qui aspirent à vivre de leurs talents. Pourtant peu d’entre eux bénéficient du soutien d’une compagnie établie : c’est un défi que de se faire connaitre et d’être reconnu, souvent au prix d’efforts personnels et physiques importants ! Pour des personnes atteintes de handicap, c’est encore plus difficile de vivre de la danse.
Pourtant, le handicap physique n’est pas un frein insurmontable lorsqu’il s’agit d’embrasser une carrière de danseur. Par exemple, les danseurs de la compagnie anglaise Candoco, l’une des plus anciennes compagnies de danse mêlant artistes valides et non valides, sont tous professionnels.
De plus, travailler dans le milieu de la danse ne signifie pas forcément être danseur. De nombreuses personnes en situation de handicap travaillent dans ce secteur, que ce soit dans les coulisses pour gérer le son ou la lumière ou dans la création en tant que chorégraphe, à l’image de Magali Saby, qui a collaborée avec La Possible Echappée et est à la fois danseuse, comédienne et chorégraphe… Mais aussi en fauteuil roulant.
3 – Les cours de danse inclusifs ne sont pas intéressants pour les personnes valides
Des cours de danse inclusifs émergent un peu partout sur le territoire et proposent des ateliers mêlant danseurs valides et non valides. Pourtant, ils ne sont pas reconnus avec tout leur potentiel de création, d’esthétisme et d’exigence pour se perfectionner dans la danse.
Cette image des cours de danse inclusifs est bien dommage, car les danses actuelles tendent à réinventer le mouvement, à questionner l’expression corporelle et les émotions transmises par la danse. Ainsi, s’investir dans une compagnie composée de danseurs à la fois valides et non valides permet d’aller plus loin dans ces questionnements, de réinventer les possibilités du corps autrement, pour dépasser les limites découlant du handicap.
D’ailleurs, les danseurs qui s’investissent dans des compagnies mixtes s’accordent sur le fait que l’expérience est enrichissante, fait la part belle à l’écoute. La co-création est au cœur de la démarche artistique, c’est ce qui fait la force des cours de danse inclusifs comme en conviennent les artistes valides de notre compagnie Regards en Lignes. Pour Marc Marchand, danseur, comédien et marionnettiste qui met son talent au service de la compagnie, l’expérience est « différente, mais tellement enrichissante ». Quant à Margot Salles, danseuse professionnelle au sein de la troupe, elle se dit « fière de faire partie de cette aventure » où la création artistique se nourrit des personnalités de chacun pour faire naître des œuvres ambitieuses qui permettent de laisser transparaître le monde intérieur et la sensibilité de tous les danseurs.
4 – Les professionnels de la danse ne sont pas formés pour intégrer les personnes en situation de handicap dans les cours de danse
Contrairement aux autres préjugés sur la danse et le handicap, celui-ci n’est pas totalement le faux. En effet, si de plus en plus de formations sont ouvertes aux personnes en situation de handicap, il est difficile pour les professionnels de la danse de pouvoir correctement les accueillir, compte-tenu du manque de formation, de la diversité du handicap ou de l’accessibilité des salles. On ne peut comparer les problématiques auxquelles sont confrontés les enseignants face à un enfant atteint de trisomie, d’autisme ou qui a perdu la vue. C’est pourquoi, dans de nombreux cas, les enseignants doivent composer au cas par cas, se renseigner et en discuter en amont.
Toutefois, de plus en plus de cours adaptés à la diversité du handicap se développent. Ainsi, les ateliers pédagogiques de La Possible Echappée reprennent le canevas issu des professionnels des arts vivants, en le modifiant pour tenir compte des particularités des élèves. Classiquement, les ateliers comportent un accueil et une mise en condition, un échauffement, un travail thématique et un temps de retour au calme, de recentrage et d’échanges. Cette façon de procéder vise à stimuler la créativité et l’écoute de l’autre, mais aussi à développer le sens critique et l’autonomie des participants, en mettant l’élève au cœur du projet artistique pour encourager la co-création, fil rouge du travail pédagogique.
L’équipe pédagogique de La Possible Échappée, composée de professionnels des arts vivants de différents horizons, coordonnée par Patricia Darif, tient tout particulièrement à permettre aux différentes sensibilités de se révéler par la pratique de la danse et intègre pleinement à cette fin les ressentis des élèves pour améliorer constamment les ateliers proposés. Elle offre par ailleurs ses compétences aux conservatoires de danse qui le souhaiteraient.
5 – La danse n’est pas adaptée à tout type de handicap
On parle souvent du handicap au singulier. Cependant, il n’existe pas un handicap mais des handicaps, généralement distingués en cinq grandes catégories : le handicap moteur, le handicap psychique, le handicap mental, le handicap sensoriel et les maladies invalidantes.
Intégrer un danseur handicapé dans une troupe suppose une adaptation propre au handicap de chacun. La dyspraxie ne peut être appréhendée de la même manière que la mobilité réduite ou la surdité. Pourtant, quel que soit le type de handicap, la danse se révèle vertueuse. Pour chacun, la danse offre la possibilité de reprendre confiance dans son corps et en soi, de s’approprier autrement l’espace, de renforcer la relation à l’autre et de gagner en autonomie.
La danse inclusive est donc bénéfique tant pour les personnes atteintes de handicap, que pour ceux qui dansent à leur côté. En s’investissant dans la danse, les personnes en situation de handicap peuvent reprendre confiance en elles et se sentir intégrées dans la société. Quant à ceux qui travaillent avec elles, ils peuvent aller plus loin dans l’expression de leur art, la réinventer, ce qui permet de créer et de se réinventer perpétuellement. Aussi, chacun a sa place dans la danse. C’est d’ailleurs l’objectif phare de La Possible Échappée. En proposant des ateliers pédagogiques au sein d’établissements spécialisés ou des représentations de la compagnie de danse Regards en Lignes – compagnie composée d’artistes valides et non valides-, La Possible Échappée prouve que tout est possible au travers de la danse : le handicap s’efface pour ne laisser place qu’aux talents et aux émotions.
Crédit image : Unsplash.